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Entretien exclusif avec Monique F. Leroux, présidente de l’Alliance Coopérative Internationale

25 Oct 2017

Le 18 novembre prochain, les membres de l’Alliance Coopérative Internationale procéderont à l’élection d’un nouveau Conseil d’administration à l’occasion de leur Assemblée générale annuelle qui se tiendra à Kuala Lumpur en Malaisie. Considérant les nombreux changements de gouvernance à venir tant au niveau de la présidence qu’à la direction générale, le mouvement coopératif mondial s’apprête à tourner une page de son histoire. C’est dans ce contexte que l'équipe de l'eDigest a eu l’opportunité de discuter avec la présidente sortante Mme Monique F. Leroux. Pour une dernière fois, lors de la grande conférence de Kuala Lumpur, elle s’adressera aux coopératrices et aux coopérateurs à titre de présidente de l’Alliance Coopérative Internationale.

Madame Leroux, vous avez dirigé l’Alliance Coopérative Internationale pendant deux ans et vous avez siégé également deux ans comme administratrice au Conseil d’administration. Quelle est votre plus grande fierté ?

Pour moi, l’Alliance Coopérative Internationale se distingue par sa force de résilience à travers les années et par sa pertinence à accompagner les coopérateurs dans leurs ambitions. L’Alliance existe depuis plus de 120 ans et elle a toujours su s’adapter aux besoins de ses membres. Le Conseil d’administration est en quelque sorte un gardien de la pertinence et de l’évolution de l’ACI pour ses membres.

Le contexte socioéconomique mondial ne cesse de changer. Les enjeux de développement durable perdurent alors que de nouveaux défis s’installent tels que les avancées technologiques et les nouvelles économies collaboratives. Ce contexte évolutif a donc emmené le Conseil d’administration à se questionner sur le soutien que peut apporter l’ACI. Nous nous sommes posés plusieurs questions notamment sur la composition, la gouvernance, les communications, les finances et l’engagement des coopératives primaires. Nous avons également été à l’écoute des membres de l’ACI sur ces questions fondamentales, ayant toujours comme objectif de pouvoir continuer à promouvoir le mouvement coopératif et son modèle d’affaires.

Ces réflexions forment le plan stratégique de l’ACI qui devient un appui important dans la réalisation du Plan d’action pour une décennie des coopératives. Lors de ce processus, le Conseil d’administration et les membres de l’ACI ont fait preuve d’une grande humilité. Nous avons eu des discussions franches et stimulantes.

Cet engagement des membres du Conseil d’administration et des membres de l’ACI à la pérennité et à notre contribution essentielle pour bâtir un monde meilleur est vraiment ce qui me rend le plus fière.

Au cours des dernières années, l’ACI a fait beaucoup de représentations dont plusieurs sur des tribunes internationales, pensez-vous que le message que souhaite porter le mouvement coopératif international est entendu ?

Je me plais à dire souvent que le mouvement coopératif est une force tranquille. Notre contribution aux collectivités est importante et notre modèle d’affaires favorise une stabilité dans les économies locale, nationale et internationale. Mais, en contrepartie, nous avons de la difficulté à nous mettre en valeur et à raconter notre histoire. La campagne de marketing Cooperative for a better world est une initiative fort intéressante qui met en valeur les histoires coopératives de partout dans le monde. Je souhaite grandement que les coopératrices et les coopérateurs continueront d’alimenter cette plateforme parce que c’est un outil de communication qui peut devenir très puissant pour notre mouvement.

Pour ma part, j’ai eu le privilège au cours des dernières années de contribuer aux travaux du B20. Plus particulièrement cette année, j’ai eu l’opportunité de m’impliquer à titre de coprésidente du groupe de travail sur les petites et moyennes entreprises. Ce fut une occasion incroyable de mettre en valeur notre modèle d’affaires.

Les recommandations de l’ACI ont porté sur l’importance de mettre en place des conditions gagnantes en vue de générer un environnement favorable à la création d’entreprises durables, d’emplois de qualité et de modalités pour faciliter l’accès des producteurs locaux aux marchés mondiaux. D’ailleurs, plusieurs recommandations et suggestions ont été retenues dans les recommandations finales adressées au G20. J’aimerais souligner le travail important des membres du conseil d’administration et des membres de l’Alliance qui se sont impliqués dans différents groupes de travail. Ensemble, nous avons réussi à mettre en valeur l’apport du modèle d’affaires coopératif et nos efforts ont porté fruit.

Vous avez été également nommée par le premier ministre du Canada sur le Conseil canado-américain pour l’avancement des femmes entrepreneures et chefs d’entreprise. Vous avez été la première femme élue présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins et maintenant vous complétez votre mandat à titre de présidente de l’ACI. Peut-on dire que vous êtes en quelque sorte un exemple probant d’une femme qui a réussi à briser le plafond de verre ?

Un exemple probant, je ne saurais vous dire mais chose certaine, je crois fermement que les femmes ont une place à prendre dans les sphères décisionnelles. Les entreprises coopératives sont avant-gardistes dans la mise en place de mesures pour favoriser l’avancement des femmes, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Les entreprises qui se démarqueront dans les années à venir seront celles qui sauront identifier les leaders de demain dans leurs équipes et ce, incluant la relève.

Les entreprises coopératives n’échapperont pas au contexte de vieillissement de la population et aux besoins de main-d’œuvre. Comme mouvement mondial, nous avons un certain leadership à prendre pour mettre en place des modèles de gestion innovants et où tous seront reconnus à leur juste valeur.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le programme Jeunes Leaders a été créé dans le cadre du Sommet international des coopératives. Depuis 2012, ce programme a donné une tribune et des occasions exceptionnelles de réseautage à plus de 700 jeunes coopératrices et coopérateurs à travers le monde. À chaque édition du Sommet, ce programme prend de l’ampleur et c’est une grande fierté du mouvement coopératif mondial.

Les entreprises coopératives devront incessamment relever de nouveaux défis en lien avec la mondialisation, les avancées technologiques et les nouvelles économies qui abondent. Comment pensez-vous que les coopératives peuvent assurer un leadership et se démarquer au sein de ces nouvelles tendances ?

Je pense que le mouvement coopératif a deux avantages : la force du groupe ainsi que sa capacité d’innover grâce à son ancrage local et sa vision globale. Le mouvement coopératif constitue un réseau fantastique d’entreprises de différents secteurs d’activités. Il faut absolument mettre cet avantage à profit. Une des façons serait entre autres de créer une plateforme qui permettrait de connecter les entreprises entre elles sur une base permanente pour favoriser le développement des affaires, créer un endroit propice à l’innovation et regrouper les différents besoins, que ce soit en matière de formations ou au niveau des achats par exemple.

Il y a un beau projet international qui se développe présentement au Canada soit le Centre coopératif international qui permettrait aux coopératives de se doter d’une telle plateforme. Je pense que les leaders coopératifs ont intérêt à explorer cette avenue prometteuse, qui ouvrirait, j’en suis convaincue, une multitude de possibilités et qui permettrait aux entreprises coopératives de prendre leur place de façon significative au sein des marchés.

Au dernier Sommet international des coopératives, le mouvement s’est engagé formellement envers les objectifs de développement durable des Nations Unies. Prévoyez-vous donner suite à cette initiative ?

Le mouvement coopératif mondial est toujours au travail en ce qui a trait aux objectifs de développement durable décrétés par les Nations Unies. Fondamentalement, ces objectifs rejoignent notre raison d’être. Nous sommes un véhicule important pour changer le monde et nous sommes un pilier solide qui complète le secteur privé et le secteur public.

La plateforme Coopératives pour 2030 a regroupé plusieurs initiatives portées par les coopératives à travers le monde. Nous les avons regroupées pour en faire un document qui a été envoyé aux leaders socioéconomiques afin de les sensibiliser au travail que nous faisons au quotidien. L’année dernière, j’ai eu l’occasion de m’adresser à plusieurs ambassadeurs dans le cadre d’une visite aux Nations Unies et plusieurs ont été enthousiastes envers les actions que nous portons au quotidien.

Vous vous apprêtez à remettre le flambeau prochainement, est-ce que vous quittez avec le sentiment du devoir accompli ?

Les défis sont nombreux pour le mouvement coopératif. Ce fut un énorme privilège de collaborer pendant ces quatre années avec un Conseil d’administration dévoué, engagé et qui a à cœur la croissance des entreprises coopératives. L’ACI est certainement dans une condition adéquate pour continuer de mener ses actions vers l’atteinte d’objectifs qui, ultimement, contribueront à faire de notre monde, un monde meilleur.