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Malgré la vente de MEC, les coopératives restent fortes et résilientes au Canada, dit CMC

16 Dec 2020

En septembre, le conseil d'administration de Mountain Equipment Co-op qui faisait affaire sous le nom de MEC, a annoncé sa décision de vendre l'entreprise à Kingswood Capital Management. L'accord a été approuvé à l'unanimité par le conseil d’administration sans la permission ou « toute consultation significative » des membres. Cela a incité certains membres à lancer une campagne pour «Sauver MEC », une pétition s'opposant à la vente a petition opposing the sale recueillant plus de 200 000 signatures.

En octobre, la juge Shelley Fitzpatrick de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté une action en justice visant à retarder la vente : une décision qui a incité la campagne Save MEC à déposer un avis de demande d’appel devant la Cour. Il ne s’agit pas d’un appel visant à revenir sur la décision de la Cour mais plutôt à répondre à des éléments spécifiques de l’arrêt. Si l'avis d'autorisation est accordé par la Cour, Co-operatives et mutuals Canada (CMC) demandera immédiatement le statut d'intervenant.

Pendant toute cette bataille, CMC a continué de collaborer avec les membres de MEC et avec le mouvement coopératif au sens large. Les collaborations ont commencé au niveau régional, en unissant leurs forces avec la British Columbia Co-op Association et l'Alberta Community Co-operative Association. CMC a ensuite invité – et a été très heureuse de recevoir leur soutien – des associations coopératives provinciales et territoriales de tout le Canada. Le président du conseil d'administration de CMC, John Kay, a rejoint la campagne Save MEC dès le début de son action pour doubler la force des campagnes.

Le directeur général de l'ACI, Bruno Roelants, a répondu sans hésiter lorsqu'il a été contacté par Alexandra Wilson, membre du conseil d'administration de CMC et de l'ACI pour soutenir la campagne de CMC. Un soutien international a également été sollicité par le directeur général de CMC, André Beaudry, en contactant ses collègues qui dirigent NCBA-CLUSA (États-Unis), le BCCM (Australie) et Cooperative Business New Zealand. La vente des actifs de MEC a suscité en réponse un tollé national et international qui fait écho aujourd'hui.

Dans le cadre de sa campagne, CMC a organisé une assemblée publique virtuelle nationale le 19 octobre. Plus de 150 coopérateurs de tout le Canada et de l'étranger, y compris des représentants de l'ACI, ont discuté des réalités actuelles et ont partagé des idées pour les prochaines étapes. La majorité des participants ont virtuellement levé la main lorsque le président du conseil d'administration de CMC, John Kay, leur a demandé s'ils soutiendraient la mise en place de deux tables rondes nationales pour essayer d'éviter des scénarios futurs comme la vente de MEC. Frank Lowery, vice-président principal, conseiller général et secrétaire chez Co-operators (Canada), membre du comité du droit des coopératives de l’ACI, a été invité par CMC à y assister et a répondu aux questions des facilitateurs de l’assemblée.

La première table ronde nationale examinera le cadre juridique actuel des entreprises coopératives du Canada tandis que la seconde se concentrera sur la formation en matière de gouvernance coopérative au Canada et sur la manière dont les membres peuvent s’engager pour s’assurer du respect du processus démocratique dans les coopératives. Ces deux domaines, le cadre juridique du Canada et la gouvernance des coopératives, ont été clairement identifiés par les conférenciers invités à l’assemblée comme des éléments essentiels qui ont permis la vente de MEC et provoqué l’échec de la plus grande coopérative de vente au détail du Canada.

André Beaudry, directeur général de CMC, affirme que la vente des actifs de MEC a été identifiée par de nombreux experts comme le résultat de deux changements fondamentaux au sein de MEC. « Entre 2012 et 2019, beaucoup ont observé que la dette de MEC avait grimpé en flèche et que son approche de la gouvernance était devenue plus une approche d'entreprise qu'une approche coopérative » a déclaré M. Beaudry, « et qu'il y avait également eu un changement dans son approche de la gestion et dans ses rangs. Si l'on regarde les antécédents d'autres grandes coopératives canadiennes, Desjardins a été un succès pendant 120 ans, United Farmers of Alberta (UFA) pendant 111 ans, Sollio Cooperative Group (Sollio) pendant 98 ans, Federated Cooperatives Limited (FCL) l’est depuis 92 ans, Agropur Dairy Co-operative (Agropur) depuis 82 ans, The Co-operators depuis 75 ans et Gay Lea Foods Co-operative (Gay Lea) depuis 62 ans. Ces coopératives ont manifestement une recette de succès qui fonctionne très bien et dont les opérateurs commerciaux traditionnels pourraient tirer des leçons. Elles n’utilisent pas les valeurs et les principes coopératifs comme outil de marketing, elles les mettent en pratique chaque jour ».

Alors que MEC a peut-être perdu son statut de coopérative, d'autres coopératives à travers le Canada restent fortes – elles représentent 3,4 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, fournissent près de 200 000 emplois dans une période économique difficile et par une mesure combinée Emplois-PIB, les coopératives au Canada sont mieux classées que les secteurs de la construction automobile, des mines et des télécommunications.

MEC aurait-elle pu éviter une vente en restant fidèle à ses valeurs et principes coopératifs ? « Je crois que si MEC avait été gérée comme les coopératives les plus prospères et les plus innovantes du Canada, elle l’aurait pu. Si des coopératives comme Desjardins, UFA, Sollio, FCL, Agropur, The Co-operators et Gay Lea peuvent prospérer pour un total cumulé de 640 ans, pourquoi MEC n’a-t-elle pas pu continuer ? » a déclaré M. Beaudry.

Mais il pense que la vente a mis en évidence des problèmes avec le cadre juridique des coopératives – et pas seulement au Canada.

« Je pense que nous devons examiner plus avant notre cadre législatif et voir à quel moment les membres devraient être ouvertement informés qu’une entreprise coopérative contracte une dette garantie au point qu’elle pourrait mettre ses opérations en danger quelques années plus tard » a-t-il dit. « Aussi, nos tables rondes nationales sur les questions juridiques et sur la gouvernance, lancées en 2021 et encadrées par nos membres, comprendront des PDG de coopératives, des présidents de conseils d'administration, des conseillers juridiques internes, des directeurs financiers et, espérons-le, des dirigeants de coopératives à la retraite qui peuvent fournir des perspectives complémentaires. »

« Suivant l’avis juridique que CMC a reçu, la vente de MEC était en contradiction directe avec la British Columbia Cooperative Association Act (la Loi) et même avec son propre règlement. La Loi oblige les coopératives de la Colombie-Britannique à demander à leurs membres des résolutions spéciales avant de s'engager dans la vente de la quasi-totalité ou de la totalité de leurs actifs ou à organiser des réunions consultatives de leurs membres pour obtenir leur accord. Rien de cela n’a eu lieu avant la vente de MEC à Kingswood Capital Management. De plus, le propre règlement de MEC fait écho à la Loi, c’est ainsi que l’article 8.11 de MEC interdit la vente de la totalité ou de la quasi-totalité de l'entreprise si la vente n’est pas autorisée par résolution spéciale et si tous les membres n’ont pas eu la possibilité de voter sur celle-ci. Tous les membres auraient dû avoir la possibilité de décider de l’avenir de MEC par un vote démocratique ce qui n’a manifestement pas eu lieu. De nombreux aspects doivent être examinés du point de vue juridique et du point de vue de la gouvernance pour s'assurer que cela ne se reproduira plus » a ajouté M. Beaudry.

Son message au mouvement coopératif mondial est d'examiner leurs propres cadres juridiques et d'analyser leurs programmes d'éducation à la gouvernance pour s'assurer que la gouvernance dans leurs coopératives et dans leurs mutuelles ne peut pas prendre le virage qu'elle a pris chez MEC.

« J'ai entendu certains de mes homologues internationaux dire qu'ils ont également des inquiétudes au sujet de leurs propres cadres » a-t-il déclaré. « Et j’aimerais vous faire part d’une offre selon laquelle, au fur et à mesure que le Canada établira et mettra en œuvre son cadre juridique national de gouvernance, nous serions très heureux de faire part à nos collègues internationaux des constatations et des orientations clés que nous suivrons. Nous souhaiterions également que nos collègues internationaux partagent leurs découvertes avec nous – partageons tout, coopérons et faisons progresser ensemble notre intérêt mondial pour éviter que ces scénarios ne se reproduisent à l'avenir. »

M. Beaudry a ajouté que le soutien de l'ACI et de ses homologues d'autres pays, y compris des États-Unis, d’Australie et de la Nouvelle-Zélande, prouvait que le mouvement était uni dans la défense des valeurs et des principes coopératifs.

D’un autre côté, ce qui s'est passé chez MEC pourrait aider à créer une dynamique parmi les membres-propriétaires pour qu'ils exercent leurs droits et leurs responsabilités et que les tribunaux en rendent compte.

« Ce qui s'est passé avec MEC a encouragé bon nombre d'entre nous à scruter notre cadre juridique national pour voir s'il sert les meilleurs intérêts de notre secteur » a-t-il déclaré. « Après MEC, les dirigeants mondiaux des coopératives doivent se poser la question : le cadre juridique de mon pays est-il vraiment efficace pour promouvoir la durabilité du secteur des coopératives et des entreprises mutuelles ? Cela a également encouragé beaucoup de gens à adopter la même approche pour la formation à la gouvernance et peut-être même de certification pour s'assurer que les valeurs et les principes coopératifs sont pleinement intégrés et que la démocratie est ancrée dans le fonctionnement des coopératives et des entreprises mutuelles.

Malgré la vente de MEC, M. Beaudry pense que l’avenir est prometteur pour les coopératives au Canada. Le mouvement a jusqu'à présent bien relevé les défis posés par la Covid-19. « Nous représentons une partie importante de l'économie canadienne et certaines parties du secteur des coopératives et des entreprises mutuelles seront touchées différemment mais d'après les rapports que nous recevons de nos membres, le modèle coopératif continue de très bien servir les membres et les consommateurs canadiens » Le CMC est sur le point d'entreprendre, en collaboration avec trois établissements d’enseignement postsecondaires, une étude de deux ans et demi sur les effets de la COVID-19 sur le secteur des coopératives et des entreprises mutuelles au Canada. L’étude de CMC portera également sur la résilience du secteur face à la COVID-19. Une évaluation complète des emplois et du produit intérieur brut du secteur canadien des coopératives et mutuelles sera produite pour 2019 et 2020. CMC adoptera également une perspective historique dans le cadre de son étude et examinera comment les coopératives et les mutuelles canadiennes ont subi des ralentissements économiques majeurs.

« Nous croyons que l’avenir des 8000 petites, moyennes et grandes coopératives et mutuelles du Canada est très prometteur. Nous pensons que pour un modèle d’entreprise vieux de 150 ans cela ne fait que commencer. Nous croyons que les coopératives et les mutuelles du Canada sortiront de cette période de notre histoire collective beaucoup plus fortes et que CMC sera là pour soutenir ses membres pendant de nombreuses années » a-t-il conclu.